Modernisation et numérisation d’une collection entomologique, INRA Orléans

L’Unité de Recherche « Zoologie Forestière » de l’INRA d’Orléans possède une collection entomologique riche de quelques 600 boîtes et de milliers de spécimens issu de 80 ans de collecte en France et à travers le monde. Aucun travail de classement, d’inventaire ou de valorisation n’avait jamais été effectué.

Salle de la collection
Salle de la collection – ©Photo B. GILLES

C’est pourquoi, en collaboration avec le département Ecologie des forêts, prairies et milieux aquatiques (EPPA), Alain Roques, qui dirige l’unité, m’a confié la responsabilité de moderniser et valoriser cette collection. Elle témoigne d’une biodiversité aujourd’hui souvent disparue et contient des informations d’une incroyable richesse. Le but est de disposer de données pouvant servir ultérieurement à des projets de recherche sur la biodiversité, la préservation des écosystèmes et aussi la génétique des populations. Au titre de l’action « Patrimoine », un financement a été octroyé par la Région centre pour la réalisation de cette mission.

Modernisation de la collection

Après un séjour de 2 jours à -21°C destiné à éliminer les Anthrènes (Anthrenus sp.), chacune des boîtes a été ouvertes et référencées dans une base de données. Cette étape à donc permis d’assainir la collection et les conditions de stockage.

Les boîtes, datant du milieu du siècle dernier, contenaient de la Créosote* qui a été éliminée. Les boîtes trop détériorées ont été remplacées. Les cartons contaminés et la créosote ont été acheminés vers un centre de recyclage pour déchets toxiques.

L’inventaire du contenu des 600 boîtes a permis de réunir les spécimens, jusqu’alors dispersés, par familles et sous-familles. En particulier des boîtes de Curculionidae et de Cerambycidae ont pu être constituées.

* Créosote : issue d’huiles extraites de goudron ou de bois, elle a été souvent utilisée comme pesticides et insecticides au cours du 20ème siècle. Composée principalement d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, elle est considérée comme toxique est cancérigène. Son interdiction en Europe date de 2002.

Rangement taxinomique des insectes
Rangement taxinomique des insectes – ©Photo B. GILLES

La seconde étape a consisté à classer toutes les espèces selon la classification actuelle en vigueur. Pour cela, un important travail d’actualisation de chacun des noms et leur place dans la systématique a été accompli à l’aide du site de référence Fauna Europaea (www.faunaeur.org)*.

Enfin, cette modernisation effectuée, les insectes ont trouvé leur place définitive dans des boîtes neuves selon l’ordre taxinomique signalé par des étiquettes (ordre, familles, sous-famille, tribus, genres et espèces).

*Fauna Europaea est un programme lancé en 2000 par la Commission Européenne de façon à disposer d’une base de données rassemblant les noms valides de toutes les espèces terrestres et d’eau douce vivant en Europe. Il fédère l’expertise de plusieurs centaines de spécialistes.

Numérisation

Chaque spécimen a ensuite été identifié individuellement par une code-barres et intégré dans une base de données développées en interne. Cet outil informatique permet de tracer chaque échantillon entrant dans les laboratoires, et d’en consigner la nature (imago, pupe, patte…), son origine (date et lieu de prélèvement, collecteur, plante-hôte, etc.), sa localisation dans le laboratoire (collection, réfrigérateur, congélateur…) et son mode de conditionnement (en alcool, à sec, etc.). L’étiquetage d’origine de nombreux spécimens est incomplet. Notamment, lieu ou date de capture sont souvent manquant. Selon l’époque de mise en collection des échantillons, les cahiers renfermant ces informations ont été égarés. Aussi, une grande partie des insectes ne présentent aucun étiquetage et ne sont pas identifiés. Tous ces spécimens, écartés de la collection, ont été rassemblés par familles et sous-familles dans des boîtes à part. Par manque d’expertise et de temps, leur identification est reportée.

La collection informatisée comporte à ce jour 370 espèces (1 644 spécimens) de Curculionidae, 101 espèces (757 spécimens) de Tortricidae, 38 espèces de Chalcidoidea (576 spécimens, dont 280 d’Agaonidae tropicaux), 52 espèces de Cerambycidae (soit 215 spécimens) et 18 espèces de Buprestidae (soit 93 spécimens). Toutes ces familles intéressent les travaux réalisé par l’Unité.

En 6 mois, ce sont donc près de 3 300 insectes et 579 espèces ont été classés, numérisés et incorporés à la base de données.

Spécimens numérisés et leur code-barres
Spécimens numérisés et leur code-barres – ©Photo B. GILLES

Le système d’identification est analogue à celui utilisé pour gérer les marchandises. Le code-barres, de type bidimensionnel, est placé sous chacun des insectes, est lu par un lecteur laser. Grâce à cet outil informatique, les informations sur la provenance et le nombre de spécimens de telle ou telle espèce mais aussi leur place dans la collection sont maintenant disponibles.

Cependant, ce sont des milliers de spécimens de nombreuses familles (Hyménoptères, Lépidoptères, Coléoptères…) qui n’ont pas été intégrés à la base de données et qui n’ont pas été classés. Des mois de travail seront encore nécessaires pour finaliser ce projet.

Le traitement des données demandera encore des années d’études.

Valorisation des résultats

Toutes les informations recueillies concernant les dates et les sites de prélèvements s’avèrent très pertinentes pour la construction d’atlas. Ces atlas permettent d’appréhender les secteurs les plus riches en espèces et les sites abritant des faunes originales. Pour les spécimens anciens, il devient possible de mener des comparaisons spatiales et temporelles avec les données actuelles afin de mettre en lumière l’évolutions des aires de répartition et les dynamiques des populations au cours des 50 dernières années. Le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris (MNHN) et l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) seront associés à l’intégration des données.

Lire l’article publié dans la revue Insectes (OPIE)

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