Hypocephalus armatus est un gros Coléoptère d’Amérique du sud : d’une morphologie unique parmi les longicornes (longues antennes), sa biologie et son écologie demeurent un mystère et il reste, depuis sa découverte, une curiosité entomologique.
I) Biogéographie
L’aire de répartition d’Hypocephalus armatus est limitée à une petite zone de l’est du Brésil, principalement dans l’état de Minas Gerais, au nord de Rio de Janeiro (voir carte 1 ci-contre).
II) Taxonomie
Décrit en 1832 par le zoologiste français Eugène Desmaret (1816-1889), Hypocephalus armatus a vu sa position systématique évoluer régulièrement. En raison d’une morphologie singulière parmi les Coléoptères (voir paragraphe suivant), les entomologistes, ne sachant pas dans quelle famille placer l’espèce, l’ont transférée d’un taxon (définition) à un autre de nombreuses fois. L’entomologiste américain John Lawrence LeConte (1825-1883), reconnu mondialement pour avoir décrit des milliers d’insectes durant sa carrière, a dit en 1876 : « parmi tous les Coléoptères connu de la science, aucune espèce n’a provoqué autant d’incertitude quant à sa position systématique » (The Book of the Beetle – p516).
Hypocephalus armatus est actuellement intégré à la famille des Vesperidae qui comprend 17 genres et 80 espèces. Cette famille est subdivisée en 3 sous-familles :
- Les Vesperinae (Europe du sud, Afrique du nord et Asie mineure)
- Les Philinae (Asie du sud est)
- Les Anoplodermatinae (Amérique du sud, régions néo-tropicales)
L’entomologiste belge Auguste Alferd Lucien Lameere (1864-1942) proposa en 1902 de placer Hypocephalus armatus chez les Anoplodermatinae sur des caractères morphologiques et écologiques proches d’autres genres comme Migdolus. Après avoir été incorporée à la tribu des Anoplodermatini par l’américain Manuel Martins Dias en 1987, l’espèce a récemment retrouvé la tribu des Hypocephalini, créée par le français Charles Emile Blanchard (1819-1900) en 1845, dont elle est la seule représentante (Bousquet et al., 2009 ; Bezark & Monné, 2013).
III) Morphologie
Hypocephalus armatus mesure entre 33mm et 55mm, voire plus chez certains spécimens (70mm). Le corps, cylindrique, est recouvert d’une cuticule épaisse (lire cet article) de couleur noire à brunâtre et de poils épars et courts. Il ressemble aux courtilières (Orthoptères – Gryllotalpa sp.) que l’on rencontre sous nos latitudes même si les deux insectes n’appartiennent pas au même ordre (voir photo 1 ci-contre). Cette ressemblance résulte d’un phénomène évolutif appelé convergence évolutive : adaptations similaires (comportementales, morphologiques, physiologiques) d’espèces évoluant dans les même niches écologiques.
Les principales caractéristiques anatomiques de l’espèce sont :
- Tête : elle présente une forme unique : courbée vers le bas dans sa partie antérieure et mobile verticalement. Les yeux sont petits, ovales, avec peu de facettes (les yeux des insectes sont dits « composés » car constitués de plusieurs facettes aussi appelées ommatidies) et placés à la base de la tête, au-dessus d’excavations profondes. Les antennes sont de petite taille, constituées de 11 articles et placées sur les côtés de la tête, légèrement séparées des articulations des mandibules. Elles sont plus courtes que la tête chez les mâles. Les mandibules, droites, pointues, verticales et parallèles ont une mobilité et un rôle réduits (certainement comme d’une pelle). D’importantes excroissances latérales sont présentes de chaque côté de la tête (voir photos 2 et 3).
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Thorax : le thorax, aussi appelé pronotum, est cylindrique, extrêmement large et aussi long que les élytres (ailes antérieures modifiées chez les Coléoptères : lire cet article). Ce dernier est plus développé chez les femelles que chez les mâles (voir photo 4).
- Abdomen : l’abdomen est de petite taille, les élytres sont fusionnées l’une à l’autre par une suture parallèle et se terminant chez le mâle par deux petites excroissances pointues. Les ailes postérieures sont quant à elles absentes, rendant l’insecte aptère.
- Pattes : les pattes sont adaptées à la vie souterraine et dites « fouisseuses ». Chez les mâles, les pattes postérieures sont fortement hypertrophiées (voir photos 5 et 6). Les deux tibias des deux premières paires de pattes possèdent des éperons et sont densément pubescents dans leur région terminale. Les tarses sont composés de 5 articles (pentamèriques), ceux des pattes médianes étant plus longs que ceux des autres paires de pattes.
IV) Biologie et écologie
La quasi-totalité de la biologie et de l’écologie de l’espèce demeurent inconnue des scientifiques.
Cas unique chez les longicornes, l’espèce réalise la totalité de son cycle de développement sous terre, les adultes ayant un mode de vie fouisseur. Les adultes émergent au début de la saison des pluies au mois de décembre, et s’observent parfois se déplaçant sur le sol ou à l’abris sous des débris végétaux ou des pierres. Seuls les mâles semblent sortir de terre à la recherche de partenaires sexuelles, les femelles restant enfouies. L’observation d’individus durant la journée permet de penser que l’espèce n’est pas nécessairement nocturne (voir vidéo en fin d’article).
Hypocephalus armatus, qui ne semble pas rare localement, affectionne les milieux ouverts, avec un faible couvert végétal, composés de buissons, de sable et de fragments de quartz.
Les larves sont totalement inconnues : leur développement doit s’effectuer dans le sol où elles s’alimentent de matières végétales (racine, bois mort) comme les larves des autres membres de la famille.
Album photos :
Pour découvrir une autre espèce de coléoptère des plus étranges, également de la famille des Cerambycidae, je vous invite à suivre ce lien : Onichocerus albitarsis.
Source :
– Coleoptera-Beetle, Volume 3 : Morphology and Systematics – Edition : Walter de Gruyter & Co Berlin/Boston – Richard A. B. Leschen & Rolf G. Beutel – 17 mars 2014 – p687
– The Book of the Beetle – Edition : The University of Chicago Press – Patrice Bouchard, Arthur V. Evans & Stéphane Le Tirant – 17 décembre 2014 – 656p
– Bousquet Y. et al. (2009) : Catalogue of family-group names in Cerambycidae (Coleoptera). Zootaxa, 2321:1-80 (lien)
Recommandation d’ouvrages sur cette thématique :
– Morphology and Systematics Phytophaga: Arthropoda: Insecta Coleoptera, Beetles: Morphology and Systematics Phytophaga (Edition : Walter de Gruyter & Co Berlin/Boston – Richard A. B. Leschen & Rolf G. Beutel – 17 mars 2014 – p687)