Dans les contrées arctiques et subarctiques, les organismes vivants doivent, durant l’hiver, survivre à des températures extrêmes atteignant parfois les -60°C.
Pour cela, deux stratégies s’offrent à eux :
- Se protéger du froid afin d’éviter la congélation et donc la mort par éclatement des cellules (augmentation du volume de l’eau lors du gel), ce que font les mammifères, les oiseaux et autres reptiles par exemple
- Etre tolérant au gel et survivre à des phases de congélation
Des espèces d’insectes, ont, au cours de l’évolution, adopté la deuxième stratégie en développant des adaptations physiologiques particulières leurs permettant d’hiberner dans de telles conditions.
Pour éviter de geler, l’une d’elle consiste à produire et à stocker dans l’organisme des combinaisons de molécules ayant un rôle cryoprotecteur ou de cryoprotection (molécules « antigel »), une autre est de perdre la quasi-totalité de l’eau par déshydratation comme le font les collemboles.
Le scolyte rouge (Cucujus clavipes) est un coléoptère de la famille des Cucujidae qui se rencontre en Amérique du Nord (de la Caroline du Nord au cercle arctique) et dont les larves survivent dans la nature à des températures inférieures à -40°C voire -58°C (photo 1 et 2).
Une équipe de scientifiques, menée par l’entomologiste canadien todd Sformo (2010), a réalisé des expériences sur des larves de cette espèce afin d’établir les températures limites auxquelles ces insectes pouvaient survivre et comprendre les mécanismes physiologiques mis en jeu.
Ils ont découvert que 50% des larves avaient survécu à une température de -70°C, 7% d’entres elles à -100°C, battant ainsi le record de survie au froid.
Chez Cucujus clavipes, plusieurs sous-espèces sont réparties géographiquement, dont C. clavipes clavipes à l’est de l’aire de répartition et C. clavipes puniceus à l’ouest. Les larves de cette dernière ont la faculté de survivre à des températures plus basses que la première, certaines d’entres elles ne gelant qu’à des températures de l’ordre de -150°C.
Cette exploit est possible grâce à l’utilisation conjointe de molécules « antigel » et de la déshydratation. Ainsi, lorsque l’automne arrive, les larves cessent de s’alimenter, vident leur tube digestif et produisent une grande quantité de molécules « antigel » comme le glycérol. A ce stade, les larves peuvent survivre à des températures de -20°C. Puis, au début de l’hiver, la production et l’accumulation de molécules « antigel » s’accentuent dans l’organisme, ce qui, couplé avec la quasi-déshydratation des tissus, augmente le seuil de survie à -40°C. La concentration en solutés (glycérine et protéines antigel par exemple) qui résulte de ces phénomènes, entraine une élévation de la viscosité des tissus, diminuant encore le seuil à -58°C.
Les larves de Cucujus clavipes, bien qu’elles résistent à de telles températures en laboratoire, ne sont jamais confrontées à des conditions aussi extrêmes dans la nature car elles sont généralement protégées sous une épaisse couche de neige isolante.
Source :
– Sformo T., et al. (2010) : Deep supercooling, vitrification and limited survival to -100°C the Alaskan beetle Cucujus clavipes puniceus (Coleoptera : Cucujidae) larvae – The Journal of Experimental Biology 213:502-509 (lien)
Bonjour, merci pour ces articles toujours aussi interessants. J’avais une question sur la partie suivante: « éclatement des cellules (augmentation du volume de l’air lors du gel), ce que » il me semblai avoir lu quelquepart que c’etait l’augmentation du volume de l’eau plutot que de l’air qui etait responsable de l’eclatement des cellules, est-ce une combinaison des deux? Bonne journee
Bonjour, merci pour ce compliment!
Vous avez raison, c’est bien l’eau qui est responsable de l’éclatement des cellule…une erreur de frappe passée inaperçue lors de la correction 😉
Changement fait!
Benoît GILLES
De tels insectes pourraient-ils survivre à un hiver nucléaire?
Gene
Très bonne question… Si l’on ne prend en compte que la température, il semblerait que l’espèce est la capacité à survivre, pour les radiations, des études doivent être faites.
Merci pour cette réponse. Sachant que le cafard survit à de chaudes températures – puisqu’on en a découvert dans les aciéries – et qu’on ne sait pas qui gérera les centrales nucléaires lorsque l’homo sapiens aura disparu, on peut s’attendre à une catastrophe sans nom. Et un hiver nucléaire est loin d’être exclu…
Gene la pessimiste 😉