L’équipe internationale dirigée par le Professeur suisse Peter Nagel et le doctorant Thomas Hertach viennent de publier dans la revue « Zoological Journal of the Linnean Society » une nouvelle classification des cigales de montagne de Suisse et d’Italie. Auparavant, l’ensemble des populations de cigale de ces régions étaient regroupées en une seule espèce : Cicadetta montana (Scopoli, 1772). Or, des études morphologiques, acoustiques et génétiques ont révélé l’existence d’une nouvelle espèce : Cicadetta sibillae, qui fait partie d’un complexe de 10 espèces issues d’une seule espèce ancestrale du Pléistocène.
Les cigales, de la famille des Cicadidae (Hemiptera), sont des insectes qui présentent peu de variations morphologiques, la distinction entre les différentes espèces se base essentiellement sur la nature de leur chant. Le mâle de chaque espèce émet un son spécifique en rythme, en fréquence et en intensité qui leur permet d’attirer le bon partenaire sexuel. Le son est produit par la contraction de muscles thoraciques faisant vibrer un organe : la timbale (voir figure 1 et vidéo en bas de page).
Les scientifiques de cette étude, le suisse Peter Nagel de l’Université de Bâle en Suisse, le doctorant Thomas Hertach et leurs collègues de Slovénie et des Etat-Unis, ont donc entrepris de caractériser sept populations différentes de Suisse et d’Italie sur des critères morphologiques, acoustiques et génétiques. Leurs résultats indiquent qu’il n’y pas une seule espèce : Cicada montana (Scopoli, 1772), mais tout un complexe d’espèces très proches phylogénétiquement.
Autant, des groupes d’espèces émettent des sons relativement distincts, chez d’autres, ils sont particulièrement semblables comme pour Cicadetta cerdaniensis (Puissant & Boulard, 2000), Cicadetta cantilatrix (Sueur & Puissant, 2007) et Cicadetta anapaistica (Hertach, 2011).
Leurs travaux ont également permis de décrire une nouvelle espèce : Cicadetta sibillae (voir photo 1 ci-contre), et une nouvelle sous-espèce : Cicadetta anapaistica lucana ssp. Cicadetta sibillae est présente en Suisse du sud et en Italie centrale et semble être l’espèce la plus abondante, alors que l’aire de répartition de la sous-espèce Cicadetta anapaistica lucana ssp. est fortement restreinte la rendant vulnérable et menacée par la fragmentation de son habitat.
Cette étude permet aussi de mieux comprendre l’histoire évolutive de ces espèces dans ces régions. Durant la dernière période glaciaire (au Pléistocène), il y a 1 million d’années, une espèce ancestrale aurait trouvé refuge dans les régions italiennes, ainsi que dans les régions ibériques et des balkans, au climat plus doux pour ensuite se diversifier en plusieurs espèces. Ces processus de spéciation étant récents, les variations morphologiques et acoustiques entre les espèces demeurent encore peu perceptibles.
Source : Hertach T. ; Trilar T. ; Wade E.J. ; Simon C. ; Nagel P. (2015) : Songs, genetics, and morphology: revealing the taxonomic units in the European Cicadetta cerdaniensis cicada group, with a description of new taxa (Hemiptera : Cicadidae). Zoological Journal of the Linnean Society, 173 (2): 320 (lien)
Vidéo montrant une timbale de cigale au ralenti :
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