Les fourmis du désert de l’espèce Cataglyphis bombycina vivent dans des milieux aux conditions de température extrêmes. En pleine journée, malgré une température extérieure parfois proche de 70°C à la surface du sol, elles parviennent à maintenir leur température corporelle en deçà des 53,6°C mortels. Une équipe américaine, menée par Normann Nan Shi, viennent de percer le mystère de cette prouesse et le rôle des poils de couleur argent présent à la surface de leur corps. La configuration unique de ces poils, de forme triangulaire, offre à ces fourmis la capacité de refléter à la fois la quasi-totalité des ondes lumineuses du spectre visible et celles des infra-rouges : un double phénomène de thermorégulation permettant une dissipation particulièrement efficace de la chaleur à la surface de l’insecte.
Fourmis du désert
Aussi appelées « fourmis argentées » en raison de leurs reflets métalliques, les Cataglyphis bombycina se rencontrent dans le désert du Sahara, l’une des régions les plus chaudes et les plus hostiles de la planète (voir illustration 1). Les individus, pour éviter les prédateurs nocturnes (reptiles par exemple), partent durant la journée en quête de nourriture : des cadavres d’insectes tués par une chaleur dépassant parfois à midi les 70°C au sol (voir vidéos en fin de page).
Cette espèce a acquis, au cours de l’évolution, des adaptations physiologiques et anatomiques lui permettant de survivre avec des températures corporelles proche de 50°C (température létale : 53,6°C) et d’occuper ainsi une niche écologique sans concurrence.
Au cours de leurs déplacements, ces fourmis réalisent des pauses afin d’évacuer le surplus de chaleur, un comportement appelé : cooling-off. Aux heures les plus chaudes, ces arrêts peuvent représenter près de 70% du temps de déplacement.
A l’aide de mesures optiques et thermodynamiques, Shi et ses collègues ont modélisé les transferts de chaleur à la surface du corps des fourmis. L’idée est de comprendre comment un réseau de poils de forme triangulaire leur permet de maintenir des températures inférieures à celle de leur environnement (espèce poïkilotherme : ayant une température corporelle dépendante de celle de l’environnement, aussi appelée espèce à « sang froid »). Les scientifiques ont démontré l’intervention de deux phénomènes physiques :
- Les poils reflètent une grande partie du rayonnement solaire du spectre visible et de l’infra-rouge
- Les poils favorisent le rayonnement de chaleur dans l’environnement par amélioration de l’émissivité (quantité d’énergie thermique émise par un objet)
Des poils en guise de réflecteurs
En observant la surface d’une fourmi à l’aide d’un microscope électronique à balayage (MEB), cette équipe a découvert que les poils étaient disposés de manière dense et uniforme, alignés dans la même direction et se rétrécissaient à leur extrémité. La configuration structurelle la plus remarquable de ces poils triangulaires est qu’ils présentent deux faces ondulées, la troisième étant à fond plat (coté cuticule) (voir illustration 1).
Sous la lumière solaire, les zones pileuses de la fourmi reflètent 67% du rayonnement contre seulement 41% lorsque les poils ont été enlevés (voir illustration 2). Le gain réside dans la configuration triangulaire des poils qui améliore la diffusion des longueurs d’onde pour mieux les réfléchir dans l’environnement par la suite.
La partie inférieure du corps des fourmis est dépourvue de poils afin de réfléchir plus efficacement les infra-rouges venant du sol : elles améliorent ainsi l’émissivité.
Cette découverte apporte de précieuses informations aux retombées technologiques importantes (revêtements biomimétiques pour le refroidissement passif d’objet par exemple).
Source :
– Shi et al. (2015) : Keeping cool : Enhanced optical reflection and heat dissipation in silver ants – Science Express (lien)
L’article est vraiment bien écrit et surtout … fascinant !
Merci 😉
Cette question n’a plus de secret pour moi ! bravo