Nous avons tous déjà vu des fourmis au travail : elles ont la capacité de soulever et de transporter des charges de masse plusieurs fois la leur.
Les deux questions nous qui viennent à l’esprit en général :
- Combien de fois leur propre masse peuvent-elles déplacer?
- Comment font-elles?
Depuis des millions d’années, les fourmis mène une vie sociale qui implique le transport et l’approvisionnement de la colonie en aliments. Les processus de sélection naturelle et d’évolution ont donc favorisé le développement d’adaptations morphologiques répondant à ces contraintes.
Vidéo de fourmis champignonnistes (du genre Atta) transportant des morceaux de feuilles – Source Benoît GILLES (pour en savoir plus, lire ces articles : Atta et Mutualisme)
Lorsqu’une fourmi saisit une proie ou un objet, les forces sont transmises des mandibules (la tête) au thorax, du thorax aux pattes puis au sol par l’intermédiaire des tarses. Bien que des études se soient intéressées au système de fixation au sol (les tarses), peu ont été orientées ver l’articulation du cou. Cette articulation subit les forces générées par le déplacement d’une charge.
Une équipe de l’Université de Colombus (Ohio), menée par Vienny Nguyen, s’est donc attaché à décrire les propriétés physiques et structurales de cette articulation.
Pour percer ce secret, les scientifiques ont combiné divers outils d’analyse comme des expérimentations mécaniques (voir illustration 1), de la tomodensitométrie (imagerie à rayon X pour une reconstitution d’un organe en 2D ou 3D), de la microscopie électronique à balayage et de la modélisation informatique chez Formica exsectoides (Famille des Formicidae).
Leurs résultats montrent tout d’abord que la résistance est maximale lorsque le corps de l’insecte est aligné avec la charge à déplacer. Les tissus de liaison entre la tête et le thorax ont un pouvoir d’élasticité proche de 230MPa (mégapascal : N/M2), ce qui équivaut à supporter une masse d’environ 1000 fois celle du corps de la fourmi (6-7mg) : soit près de 7g!
Les scientifiques ont également découvert que la force subie par le cou lors d’un transport de charge engendre des liaisons et des dommages irréversibles à partir d’une charge équivalente à 300 à 900 fois la masse de la fourmi et que l’articulation cède, la tête se sépare du reste du corps, aux alentours de 5000 fois.
De plus, les tissus mous du cou de cette espèce ne sont pas plus résistants que ceux des pattes (72MPa) ou de la membrane alaire (52MPa) du criquet du genre Locusta. Par contre, ces tissus sont beaucoup moins élastiques que ceux du criquet : 3,3GPa et 1,9GPa respectivement.
La faculté de transporter des charges imposantes chez ces fourmis provient de la conception de l’assemblage des tissus mous et de la structure interne de la cuticule de la tête comme le tentorium : structure cuticulaire de support interne (voir illustration 2). Les autres organes comme l’oesophage, le tronc du cervelet ou encore la membrane du cou jouent un faible rôle dans la résistance et l’élasticité de l’articulation. Ces organes, occupant une grande partie du volume du cou, les muscles de l’articulation de l’insecte se situent en fait à l’extérieur de l’articulation, principalement dans le thorax.
Source :
– Nguyen V. ; Lilly B. & Castro C. (2014) : The exoskeletal structure and tensile loading behavior of an ant neck joint. Journal of Biomechanics, 47:497-504 (lien)