La couleur n’est pas une caractéristique intrinsèque (propre à) des objets et des organismes vivants. Elle dépend du type de récepteurs et du processus de traitement de l’information de celui qui regarde. En effet, un coquelicot, que nous voyons rouge, sera perçu différemment par une abeille qui ne perçoit pas les longueurs d’onde correspondant au rouge mais aux ultra-violet (300-400nm).
La couleur est générée à partir de la couleur blanche, constituée de l’ensemble du spectre visible (ici, en ce qui concerne les humains), où certaines longueurs d’onde sont éliminées par des pigments (absorption optique) et les autres réfléchies, qui selon leur nature, renvoient une couleur spécifique. Ainsi, un objet qui émet l’ensemble du spectre (aucune absorption) apparaîtra blanc, à l’inverse, si toutes les longueurs d’onde sont absorbées, l’objet apparaîtra noir.
Le processus à l’origine de la production de couleur peut être de deux types : chimique (pigmentaire) ou structurel.
Chez les insectes, les couleurs proviennent de pigments ou de structures présents sur la cuticule, l’épiderme si celle-ci est transparente.
La coloration structurelle la plus connue et la plus étudiée chez les insectes est celle des papillons du genre Morpho (famille des Nymphalidae). Ce sont des papillons d’Amérique du sud et centrale dont la coloration alaire, aux reflets métalliques, s’étend, selon les espèces, d’un bleu pâle à un bleu profond, parfois visible à de grandes distances (voir photo 1 ci-dessus).
Les ailes des papillons sont recouvertes de toutes petites écailles disposées à la manière d’ardoises (200 à 600 par mm2). Leur configuration structurelle permet de ne réfléchir que certaines longueurs d’onde bien spécifiques : processus d’interférence. La surface de chaque écaille est constituée de crêtes, formées de couches successives, séparées d’une distance correspondant à un quart d’une longueur d’onde déterminée (ici celle du bleu : 120nm). Ce principe permet la superposition de ces longueurs d’onde, renforçant ainsi leur réflection, les autres, s’opposant, sont annulées et donc disparaissent (voir illustration 1).
Le nombre de couches constituant chaque crête détermine la brillance de la lumière réfléchie. Par exemple, l’espèce Morpho rhetenor, avec des écailles constituées de crêtes de 8 à 12 couches, émet une couleur bien plus lumineuse que l’espèce Morpho didius, présentant 6 à 8 couches : réfléchissant respectivement 80% et 40% des longueurs d’onde correspondant au bleu.
Chez ces papillons, cette configuration est particulièrement précise et régulière (dite pure), limitant le phénomène d’irisation : changement de couleur d’une surface lors du déplacement de l’angle d’observation. La modification de l’angle d’observation équivaut à augmenter la distance de trajet de la longueur d’onde entre les interfaces (crêtes) et donc de la longueur d’onde réfléchie (voir illustration 2).
Les distances séparant les crêtes et les couches déterminent les longueurs d’onde qui vont être réfléchies. Les espèces du genre Eurema (famille des Pieridae) émettent par exemple des longueurs d’onde d’environ 365nm, des couleurs non visibles par les humains car faisant partie du spectre des ultra-violets.
L’iridescence se rencontre également chez d’autres groupes d’insectes comme les Odonates (libellules) et les Coléoptères.
Les propriétés physiques et optiques étonnantes des ailes de Morpho font l’objet de nombreuses études scientifiques pour reproduire artificiellement ces caractéristiques étonnantes. De multiples applications sont envisageables dans bien des domaines. La complexité et la difficulté résident cependant dans l’échelle de taille dans laquelle ces processus se réalisent. Il s’agit en effet de fabriquer des surfaces dont les structures sont de l’ordre du nanomètre (un milliardième de mètre !).
Vidéo (par Pierre Kerner : blog) :
Source :
– Vukusic P. ; Sambles J.R. ; Lawrence C.R. & Wooton R.J. (1999) : Quantified interference and diffraction in single Morpho butterfly scales. The Royal Society, 266:1403-1411 (lien)
– Saito A. et al. (2009) : Reproduction, mass-production, and control of the Morpho-butterfly’s blue. SPIE vol. 7205 (lien)
– Chung K. et al. (2012) : Flexible, angle-independent, structural color reflectors inspired by Morpho Butterfly wings. Adv. Mater. 24:2375-2379 (lien)
– The Insects : Structure & Function (5ème édition, 2013) – Edition : S.J. Simpson & A.E. Douglas – Cambridge University Press
Recommandation d’ouvrage sur cette thématique
– The Insects: Structure and Function (R.F. Chapman & Stephen J. Simpson – Edition : Cambridge University Press – 959 pages – 5ème édition : 12 novembre 2012)
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Bonjour,
Merci pour cet article passionnant ! Les morphos entre eux ne se voient donc peut-être pas bleus ? Il est donc difficile d’imaginer que la couleur bleu qui n’est peut-être pas perçue comme telle par les autres insectes ait une fonction précise comme l’homme pourrait le penser ?
Peut-on dire que chez certaines demoiselles comme le Enallagma cyathigerum par exemple, il s’agit également d’une couleur structurelle ou au contraire pigmentaire ?
merci à vous, votre site est génial
Bonjour,
Je pense que le Morpho utilise les propriétés spectrales de ses ailes pour réfléchir les ondes à partir du bleu et réfracter les infra rouges de façon à concentrer la matière sombre sous ses ailes.
Le vol du Papillon n’est pas basé sur une dépression formée par le profil d’aile mais par un principe plus subtil:
l’ anti-gravité.