Récepteurs sensoriels chez les insectes : les mécanorécepteurs – Troisième partie : les récepteurs de tension et d’étirement

Récepteurs sensoriels chez les insectes : les mécanorécepteurs – Troisième partie : les récepteurs de tension et d’étirement

Troisième partie : les récepteurs de tension et d’étirement (propriocepteurs)

Comme l’ensemble des arthropodes, les insectes ont un squelette externe, l’exosquelette, constitué de chitine et formant la cuticule (lire cet article). Ses propriétés isolantes impliquent que la cuticule crée une barrière à la réception des stimuli de l’environnement extérieur vers le milieu physiologique interne. Afin de contourner cette problématique, l’évolution a fait surgir tout un ensemble de structures destinées à transmettre une large gamme de types de stimuli à l’insecte qui lui permettent d’appréhender de manière efficace et précise son environnement et de répondre favorablement à toute modification par un comportement adapté.

Parmi ces structures sensorielles, certaines sont sensibles aux distorsions mécaniques (mécanorécepteurs : objet de cette article), d’autres à la lumière (photorécepteurs) et d’autres encore à des composants chimiques (chémorécepteurs ou chimiorécepteurs).

I) Généralités

Les mécanorécepteurs sont classés en trois grandes catégories (Tableau I) :

Tableau I : catégories des mécanorécepteurs chez les insectes
Catégories Position anatomique Types Fonctions
Extérorécepteurs Récepteurs cuticulaires (Cliquez ici) Surface de la cuticule Sensilles simples Toucher, variation de pression (air ou eau), détection de la gravité, proprioception*
Sensilles campaniformes Variation de pression sur la cuticule
Intérorécepteurs Récepteurs intradermiques ou subcuticulaires (cliquez ici) Derme Organes chordotonaux Variation de pression (air, eau), détection de la gravité, proprioception*
Propriorécepteurs Tissus internes Pas de structure précise Proprioception*
Proprioception : perception de la position des différentes parties du corps

Dotés de propriétés étonnantes et multiples, ils peuvent intervenir dans le sens du toucher lorsqu’ils sont stimulés par le contact d’un objet ou un substrat, dans le sens de l’ouïe par une stimulation de l’air ou de l’eau et aussi dans le contrôle de la posture et des mouvements quand ils sont excités par des déplacements de parties du corps de l’insecte.

II) Description structurelle et fonction

Les récepteurs de tension et d’étirement (aussi appelés « extensibles ») sont des structures simples, contrairement aux autres types de mécanorécepteurs : cuticulaires (lire partie 1) et chordotonaux (lire partie 2).

Récepteurs d'étirement non-spécialisés
Illustration 1 : Récepteurs d’étirement non-spécialisés (d’après Sugawara, 1981) – a) Neurone multipolaire libre dans l’hémolymphe où les terminaisons dendritiques passent entre l’épithélium et les fibres musculaires – b) coupes transversales d’un dendrite en dessous d’une couche musculaire (Source : The Insects : Structure and Function – R.F. Chapman – 5ème Edition (2013) -p765 – Modifié par Benoît GILLES)

Leur structure, de forme variée, est composée d’un simple neurone multipolaire ramifié de terminaisons dendritiques libres, évoluant dans l’hémolymphe (liquide circulatoire des arthropodes) ou soutenu par un tissu. Les dendrites sont recouverts d’une gaine : la cellule gliale. Leur partie terminale est quant à elle nue et s’insère dans un tissu conjonctif, dans une fibre musculaire ou dans un nerf (voir illustration 1).

Leur fonction est de détecter toute modification de la forme du corps de l’insecte ainsi que de rétablir sa position initiale (mécanisme peu compris encore). Leur nombre varie selon les espèce. Le nombre de ces récepteurs est toutefois limité chez les insectes à la cuticule épaisse et dure (les Coléoptères par exemple), dont l’exosquelette est particulièrement rigide et peu soumis à la déformation.

L’activation de ces récepteurs, provoquée par l’étirement des dendrites, induit une réponse de type tonique et proportionnelle au degré d’étirement.

Cependant, les mécanismes de couplage et de transduction du message nerveux restent encore inconnus (lire cet article).

III) Récepteurs non-spécialisés

Comme leur nom l’indique, les récepteurs non-spécialisés se rencontrent dans divers organes et reposent sur plusieurs types de tissus.

Ils sont présents chez les criquets du genre Locuste au niveau des articulations fémoro-tibiales, sans qu’une fonction précise leur ait été attribuée. D’autres se situent dans le tube digestif antérieur et postérieur de certains insectes, avec pour rôle la surveillance de la circulation des aliments durant la digestion. Il est probable qu’ils sont présents chez l’ensemble des insectes.

Ces récepteurs ont été trouvés sur les parois de l’abdomen de diverses espèces d’insectes hématophages (qui se nourrissent de sang), comme les punaises du genre Rhodnius (famille des Reduviidae) qui transmettent la maladie de Chagas, ou les mouches tsé-tsé (Diptère Glossinidae et du genre Glossina), où ils jouent un rôle dans la détection des distorsions de l’abdomen lors de l’ingestion de sang.

Chez les papillons du genre Pieris (Lépidoptères Piéridae), des récepteurs sont placés dans les organes copulateurs de la femelle : ils interviennent dans un mécanisme qui l’empêche d’être fécondée une seconde fois.

Une adaptation particulière de ces récepteurs non-spécialisés a été découverte chez un Coléoptère : Merimna atrata (famille des Buprestidae). Ces récepteurs, fortement ramifiés, sont associés à deux mécanorécepteurs chordotonaux (lire cet article), eux même associés à un organe sensible aux infra-rouges. Situé sur le deuxième et le troisième sternites abdominaux (plaques ventrales), cet organe est constitué de cellules nerveuses sensibles aux variations de température.

IV) Récepteurs avec une structure accessoire

Ces récepteurs, contrairement aux récepteurs non-spécialisés, sont soutenus par un brin de tissu conjonctif ou par une fibre musculaire. Ils sont également appelés respectivement récepteurs de brin et récepteur de muscle.

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Illustration 2 : Récepteurs d’étirement spécialisé (d’après Osborne, 1970) – a) Récepteur de brin – b) Récepteur de muscle – Encadré montre le détail des terminaisons dendritiques dans les fibres musculaires (Source : The Insects : Structure and Function – R.F. Chapman – 5ème Edition (2013) – p766 – Modifié par Benoît GILLES)

La cellule nerveuse du récepteur est elle aussi entourée d’une gaine constituée par une cellule gliale, où les extrémités des dendrites, nues, s’insèrent par paire ou par quatre dans les fibres musculaires (voir illustration 2).

Ces récepteurs ont été décrits au niveau des muscles des articulations des pattes et du thorax chez les Orthoptères (criquets, sauterelles et grillons), les Neuroptères (fourmilions, ascalaphes), les Coléoptères, les Lépidoptères (papillons) et les Trichoptères (phryganes).

Source :

– The Insects : Structure & Function (5ème édition, 2013) – Edition : S.J. Simpson & A.E. Douglas – Cambridge University Press

– Encyclopedia of Insects : Vincent H. RESH & Ring T. CARDE, Academic Press-2009

Recommandation d’ouvrages sur cette thématique

– Evolution of the Insects (David Grimaldi & Michael S. Engel – Edition : Cambridge University Press – 772 pages – 16 mai 2005)

– The Insects: An Outline of Entomology (P.J. Gullan & P.S. Cranston – Edition : Wiley-Blackwell – 624 pages – 5ème édition : 6 août 2014)

– The Insects: Structure and Function (R.F. Chapman & Stephen J. Simpson – Edition : Cambridge University Press – 959 pages – 5ème édition : 12 novembre 2012)

– Encyclopedia of Insects (Vincent H. Resh & Ring T. Cardé – Edition : Academic Press – 1024 pages – 2ème édition : 22 juillet 2009)

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