Par Benoît GILLES
L’observation pour la première fois sur le sol français de Vespa orientalis a été faite le 22 septembre 2021 dans le quartier de la Cabucelle à Marseille par Alain Coache , Gérard Filippi et Bruno Gereys (pour télécharger l’article : lien).
Alain Coache a gentiment accepté de répondre à quelques questions pour nous expliquer cette découverte :
Tu viens d’observer Vespa orientalis à Marseille, une première pour la France, peux-tu nous raconter le contexte de cette observation ?
Tout simplement lors d’une étude d’impact confiée par le bureau d’étude ECOTONIA fondé par Gérard Filippi, je suis allé sur le site en ce jour du 22 septembre dernier. J’ai d’abord rencontré plusieurs individus de frelons européens (Vespa crabro) en début de matinée, quelques frelons asiatiques (Vespa velutina) qui butinait sur les fleurs de lierre, ce n’est qu’en fin de matinée que mon regard se pose sur une grosse guêpe que je n’avais encore jamais rencontrée. Butinant les fleurs jaunes de Diplotaxis tenuifolia (L.), elle m’a paru curieuse en raison de son vol et de la couleur de l’extrémité de son abdomen très clair, jaune citron bien vif et bien voyant. Je me décide alors d’en capturer un exemplaire afin de pouvoir mieux l’étudier (voir la photo 1 du premier exemplaire capturé). Quelle ne fut pas ma surprise !
L’extrémité de l’abdomen étant caractéristique, cela me fis de suite penser à une espèce de frelon étrangère à notre faune, connaissant déjà les caractéristiques des deux autres espèces déjà présentes sur notre territoire. Pour confirmer mon intuition, j’ai pris une photo du spécimen pour l’envoyer au spécialiste des Vespidae de France, mon ami Bruno Gereys. Ce dernier m’appela aussitôt pour me confirmer la découverte de Vespa orientalis pour la France. Il me suggéra de faire rapidement une publication afin de signaler l’observation.
Quelle a été ta réaction lorsque tu as vu ces individus ?
Ma première réaction a été de me dire « attention à ne pas te faire piquer car on ne connait pas encore la réaction du venin de cette bestiole ! » Ensuite, j’ai pensé que c’était incroyable de ne pas avoir rencontré l’insecte plus tôt dans la journée malgré toutes les observations réalisées durant toute la matinée. Une fois l’observation signalée à Bruno Gereys, j’ai contacté Gérard Filippi pour l’informer de la nouvelle, c’est ainsi que nous avons débuté la rédaction de l’article paru hier…
D’où est originaire cette espèce, pour toi, comment est-elle arrivée sur le sol français ?
Vespa orientalis se rencontre depuis les Balkans jusqu’aux îles de la mer Egée, en passant par la Grèce, la Bulgarie, la Turquie, Chypre, etc… Elle se rencontre également à Malte, au Nord-est de l’Afrique ainsi qu’au Moyen-Orient, elle est aussi citée de l’Iran, du Tadjikistan, du Turménistan, Pakistan mais aussi de l’Inde et du Népal.
Comment est-elle arrivée sur le sol Français ? Pas facile à dire. Ce nouveau frelon a été observé près de l’usine de sucre Saint Louis située à moins d’un kilomètre du port de Marseille, toutes les suggestions sont donc possibles. Je ne m’avancerai pas encore sur ce point là… (j’ai toutefois mis un spécimen dans de l’alcool absolu afin qu’une personne intéressée puisse extraire son ADN pour identifier sa provenance).
Sa biologie et son écologie permettent-ils à cette espèce de s’acclimater au climat du sud de la France ? L’espèce a-t-elle les capacités de se maintenir dans la région, mais aussi d’étendre son aire de répartition à d’autres régions de France ?
Oui tout à fait, cette espèce à la capacité de s’acclimater sur notre territoire. D’ailleurs, étant donné que nous avons observés les trois castes (mâle, reine et ouvrière), cela suggère que V. orientalis est déjà installée ici depuis au moins l’an passé sans problème. Appréciant la chaleur, l’espèce peut tout à fait étendre son aire de répartition dans le sud de la France qui lui procure le climat adéquat. Le changement climatique favorisera certainement son extension, surtout si les prochains hivers ne sont pas trop froid. Si les conditions sont bonnes, les reines fondatrices ont la capacité de se déplacer sur plusieurs kilomètres.
Quels impacts la présence de Vespa orientalis peut engendrer sur la faune autochtone ? Faut-il s’inquiéter de sa présence sur le sol français au même titre que pour le frelon asiatique (Vespa velutina) ?
Il est difficile de répondre à cette question, il est nécessaire de confirmer si cette population est viable pour les années à venir. Bien qu’il ne faille pas dramatiser, Vespa orientalis est considérée comme un redoutable prédateur d’abeilles domestiques comme nous l’indiquons dans notre article (bas de page).
Je conseille aux apiculteurs de surveiller leurs ruchers afin de vérifier la présence ou pas de ce nouveau venu.
Si des personnes observent également cette espèce, que leur conseilles-tu de faire ? Doit-on faire remonter l’information pour contribuer au suivi ? A qui ?
Si certains d’entre vous rencontrent ce frelon, il ne faut pas s’affoler. L’espèce n’est pas très agressive, attention toutefois à ne pas se faire piquer.
Lorsque nous sommes retournés sur le site une semaine après la première observation, une vingtaine de spécimens étaient présents, l’un d’entres-eux nous a été piqué ! Nous pouvons nous vanter d’être les premiers à avoir été piqués par Vespa orientalis sur le sol Français…
Si vous apercevez cette espèce, il est recommandé de nous faire remonter l’observation directement. Vous pouvez également contacter le Muséum de Paris (MNHN) par l’intermédiaire de l’ INPN qui a mis en place un formulaire sur leur site.
Résumé de l’article
Répartition
Vespa orientalis possède une aire de distribution naturelle composée des Balkans et de quelques îles de la mer Égée, de la Bulgarie, de la Turquie, de Chypre, du sud de l’Italie dont la Sicile, de Malte, du nord-est de l’Afrique et du Moyen-Orient. Certaines observations ont été réalisées dans des régions limitrophes comme au Turkménistan, au Tadjikistan, en Iran, en Ouzbékistan, en Afghanistan, au Pakistan, au Cachemire, en Inde ou encore au Népal (Archer, 1998, 2012 ; Carpenter & Kojima, 1997 ; Ćetković, 2002).
En Europe occidentale, Vespa orientalis s’est établie depuis une dizaine d’années dans deux régions au sud de l’Espagne : Talence depuis 2012 et Algésiras en Andalousie depuis 2018. Encore plus récemment, l’espèce a été signalée à plusieurs reprises dans le nord de l’Italie : à Gênes en 2018 et dans les villes de Trieste et Grossetto en Toscane en 2021.
D’autres observations ont été réalisées à Bucarest en Roumanie en 2019 et 2020, présumant qu’au moins un nid ait été édifié dans ce pays en 2020.
Dans les années 1980, des reines ont été interceptées à Gembloux en Belgique et en Angleterre dans une caisse de pamplemousses provenant d’Israël (Delmotte & Leclercq, 1980 – Edwards, 1982). L’espèce a pu également être observée en Amérique du sud comme au Brésil et en Guyane française, mais aussi en Chine, au Mexique, à Madagascar ou au Chili, sans qu’elle ait pu s’y établir.
Biologie
Comme les autres espèces sociales des zones tempérées du genre Vespa (espèces françaises : V. crabro – Frelon européen et V. velutina – frelon asiatique), le cycle de développement et l’écologie de V. orientalis reposent sur la construction d’un nid et d’une nouvelle colonie au printemps par des femelles fécondées sortant d’hibernation, colonie qui disparaît au début de l’automne par la mort de tous les individus hormis les nouvelles reines qui vont passer l’hiver dans le sol ou la végétation. Un nouveau cycle sera ainsi initié au printemps suivant.
Le nid est généralement situé dans un lieu clos sous terre ou au-dessus du sol (fissures de rocher, espaces dans des murs ou des plafonds, ruches vides, etc.), mais aussi dans des endroits plus exposés comme des avant-toits. Les nids souterrains sont dépourvus d’enveloppe alors que ceux qui sont exposés en possèdent une (Archer, 1998). V. orientalis semble montrer de bonnes capacités à vivre dans les milieux anthropisés : synanthropie (capacité de vivre à proximité des activités humaines).
Bibliographie
- Gereys B. ; Coache A. & Filippi G. (2021) : Présence en France métropolitaine d’un frelon allochtone : Vespa orientalis. Faunitaxys, 9(32), 1-5 (lien) (pour télécharger l’article : lien)
Bonjour
Comment faire la différence entre frelon oriental et frelon asiatique ?
Est-ce les couleurs du bout de l’abdomen et des derniers anneaux ?