Les fourmis du genre Cephalotes

Présentation d’une espèce de fourmis rencontrée au cours de mon séjour au STRI au Panama

  • Les fourmis « volantes » du genre Cephalotes

Les fourmis du genre Cephalotes (Famille des Myrmicinae et Tribu des Cephalothini) sont principalement présentes dans les forêts tropicales d’Amérique centrale et du sud.

Cephalotes à l'entrée de leur nid dans un troc d'arbre - Photo B. GILLES
Cephalotes à l’entrée de leur nid dans un troc d’arbre – ©Photo B. GILLES

Ce sont des espèces uniquement arboricoles, construisant leur nid dans des tiges et des troncs d’arbres vivants ou morts. Leur biologie n’est pas très bien connue, mais elles semblent se nourrir d’une large gamme d’aliments d’origine végétale et animale (pollen, insectes, fientes d’oiseaux, animaux morts, etc.), elles sont considérées comme omnivores. Les colonies, selon les espèces, contiennent d’une dizaines d’ouvrières à près de 10 000 comme chez Cephalotes atratus.

Ces fourmis sont connues par leur morphologie singulière. Toutes les espèces de ce genre sont caractérisées par une cuticule épaisse (en savoir plus sur la cuticule ici) qui leur donne un aspect « blindé » et par un aplatissement dorso-ventral du corps, notamment de la tête (voir photo ci-dessous). Un système de caste existe chez certaines de ces espèces, c’est à dire que des individus sont spécifiques à une tâche et possèdent une morphologie adaptée (lire ces articles : Atta et Eciton). On retrouve donc des travailleuses et des soldats, ces derniers ayant un aplatissement plus prononcé. Ces espèce sont dites dimorphiques (opposé à monophorme). Cette morphologie a évolué et sélectionné comme moyen de défense. Pour se protéger, les fourmis s’aplatissent sur le support afin d’éviter d’être saisie par le prédateur. Certaines de ces espèces utilisent également des sécrétions chimiques provoquant des odeurs nauséabondes dans le but de repousser le prédateur.

Insecte de la famille des Membracides (à gauche et dessous) mimant l’abdomen d’une fourmi de l’espèce Cephalotes atratus (Source : Alex Wild)

L’efficacité de défense des Cephalotes est telle que de nombreuses espèces d’insectes et d’arthropodes (guêpes, punaises, coléoptères et araignées) miment la morphologie de ces fourmis pour échapper et duper les prédateurs (voir photo ci-contre). Ce phénomène est appelé le mimétisme Batésien, qui consiste à une espèce inoffensive de ressembler à une espèce redouter et non comestible par les prédateurs (exemple des papillons Heliconius).

– La première particularité intéressante et passionnante de ces fourmis est qu’elles utilisent leur tête aplatie, en forme de plaque, pour obstruer l’entrée de leur nid (voir photos ci-dessous). Pour cela, chaque espèce, de taille différente, doit occuper un nid dont le diamètre des ouvertures doit correspondre à celui de leur tête. Ainsi, chaque espèce occupe un nid adapté à sa morphologie. Les scientifiques émettent donc l’hypothèse que seules les lignées adaptées à une taille d’ouverture dans les tiges ont pu être sélectionnées au cours de l’évolution. Ce processus a permis, au fil de l’évolution, l’émergence de nombreuses espèces, chacune adaptée à un diamètre d’ouverture de nid spécifique.

Fourmis de l’espèce Cephalotes varians obstruant l’entrée du nid à l’aide de leur tête (Source : Alex Wild)
Fourmis de l’espèce Cephalotes clypeatus, les yeux sont écartés comme ceux des requins marteaux (Source : Alex Wild)
Fourmis Cephalotes variants avec sa tête et son corps aplatis adaptés pour obstruer l’entrée du nid (Source : Alex Wild)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

– La seconde caractéristique, des plus surprenantes, est leur capacité à diriger leur chute pour retrouver l’arbre dont elles sont tombées. Toutes les espèces de Cephalotes étudiées ont montré cette faculté (voir vidéo). Cette faculté leur permet de retrouver le chemin de leur nid plus facilement que si elles tombaient sur le sol. En effet, les fourmis se repèrent à l’aide de traces chimiques (phéromones) laissées sur le substrat, le support par leurs congénères. Le fait de tomber sur le sol diminue les chances de retrouver des traces (de se perdre dans le feuillage), et augmente les chances de se faire tuer (sol inondé, prédation…). Des colonies se trouvent parfois à plus de 30-40m de hauteur, des études ont pu estimer que 85% des fourmis parviennent à réaliser un atterrissage sur le tronc d’origine, même à des vitesses de 4 mètres par seconde!

La manière dont les fourmis contrôlent leur chute et atterrissent sur le tronc n’est pas encore bien caractérisée. Il semble qu’elles sont capables d’effectuer une rotation de 180° et de positionner l’abdomen et les pattes face au tronc. Le plus incroyable, malgré un atterrissage raté, les fourmis sont capables de se réorienter pour effectuer une seconde tentative.

L’évolution a sélectionné cette capacité au cours de l’évolution car la plupart des Cephalotes vivent dans la canopée à plusieurs dizaines de mètre de hauteur. Les lignées de fourmis dont les individus avaient cette faculté, ont donc été positivement sélectionnées au cours de l’évolution.

Source :

Yanoviak S.P. & Dudley R. (2006) : The role of visual cues in directed aerial descent of Cephalotes atratus workers (Hymenoptera – Formicidae). Journal of Experimental Biology, 209:1777-1783 (lien)

 Recommandations d’ouvrages sur cette thématique :

– Les Fourmis: Comportement, Organisation Sociale et Evolution (Luc Passera – Edition : Canadian Science Publishing – 480 pages – Janvier 2005)

– Le monde des fourmis (Rémy Chauvin – Edition : Editions du Rocher – 285 pages – 2 octobre 2003)

– Le monde extraordinaire des fourmis (Luc Passera – Edition : Fayard – 235 pages – 13 mars 2008)

Ant Ecology (Lori Lach, Catherine Parr & Kriti Abbott – Edition : OUP Oxford – 424 pages – 10 juin 2010)


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