Adrian Hoskins – Tout (ou presque) sur les papillons de jour

Adrian Hoskins – Tout (ou presque) sur les papillons de jour

Une introduction à l’univers des rhopalocères

Entomologiste anglais de renom international, Adrian Hoskins a longtemps étudié la faune lépidoptérologique britannique et s’est investi avec passion dans l’association Butterfly Conservation. Il a toutefois quitté cette structure pour ne plus se consacrer désormais qu’à l’observation de terrain des lépidoptères tropicaux (1). Et il nous fait profiter de ces observations en livrant un petit ouvrage splendidement illustré, entièrement dédié aux papillons diurnes (rhopalocères) – un univers qu’Hoskins explore avec une grande rigueur scientifique mais aussi un réel talent de photographe -.

Page de couverture : Papillon du monde - Adrian Hoskins (Delachaux et Niestlé - juin 2016)
Page de couverture : Papillons du monde – Adrian Hoskins (Delachaux et Niestlé – juin 2016)

La première partie de ce livre, Papillons du monde, offre un panorama complet sur ces insectes et leur mode de vie. Elle en présente l’origine, l’évolution, l’anatomie, et en détaille le cycle de vie, de l’oeuf à la chenille puis à la chrysalide et enfin à l’imago, en soulignant les exigences trop souvent insoupçonnées de certaines espèces, inféodées par exemple à des végétaux particuliers ou, également, dépendantes de leur relation à des fourmis (myrmécophilie) (lire cet article).

Les moeurs des papillons ne sont pas en reste : leurs exigences alimentaires, leur comportement sexuel, les migrations de certaines espèces, la pression de prédation et le parasitisme dont ils sont victimes sont évoqués avec précisions. Les stratégies de survie mises en oeuvre par ces insectes font l’objet d’un chapitre nourri – à commencer par la subtilité de leurs camouflages ou l’art de certaines espèces à en mimer d’autres, qui signalent à leurs éventuels prédateurs leur toxicité par leur coloration très vive (dite aposématique) (lire cet article). On découvrira ainsi comment certains papillons se « déguisent » pour se fondre dans leur milieu végétal par leur coloration ou par… leur transparence et comment d’autres trompent l’attaque des oiseaux en leur faisant prendre le bas de leurs ailes repliées pour… leur tête !

Extrait : Papillons du monde - Adrian Hoskins (Delachaux et Niestlé - juin 2016)
Extrait : Papillons du monde – Adrian Hoskins (Delachaux et Niestlé – juin 2016)

Cette partie généraliste est suivie d’une présentation exhaustive de toutes les familles (Hesperidae, Nymphalidae, Lycaenidae, Riodinidae, Papilionidae, Pieridae, Hedylidae), sous-familles, voire, le cas échéant, des tribus de rhopalocères. Chacun de ces chapitres est illustrés de spécimens saisis sur le vif dans leur habitat naturel – pour la plupart par l’auteur au cours de ces nombreux voyages sous les tropiques, et particulièrement en Amérique Latine -. Certains clichés, parfois, présentent même des espèces nouvelles, encore en attentes de description. Un texte concis permet de s’approprier l’essentiel des caractéristiques taxonomiques et biologiques des divers groupes de papillons, voire même des spécificités de certains genres. Il ne faudra que regretter, c’est un détail, l’absence d’une partie bibliographique, suggérant des pistes pour mieux appréhender tel ou tel de ces groupes de papillons.

Ainsi conçu, Papillons du monde se présente comme l’une des rares introductions à la faune mondiale des rhopalocères en français. Il constitue de plus, c’est l’une des ambitions de l’auteur, un plaidoyer en faveur de leur protection. Adrian Hoskins l’explicite en guise de conclusion : chacun peut et devrait agir, que ce soit à l’échelle d’un simple jardin privé ou, pourquoi pas, d’une façon plus militante, en s’engageant aux côtés des associations oeuvrant pour la préservation des habitats menacés.

Denis Richard

(1) : les lecteurs intéressés pourront découvrir son site : learnaboutbutterflies.com

Pour se procurer l’ouvrage : suivre ce lien Papillons du monde


Interview de l’auteur : Adrian Hoskins
Entomologiste de renommée mondiale
Spécialiste des lépidoptères rhopalocères
Adrian Hoskins, célèbre lépidoptériste anglais (Source : Adrian Hoskins)
Adrian Hoskins, célèbre lépidoptériste anglais (Source : Adrian Hoskins)

C’est lors d’un passage fugace en Angleterre, entre deux voyages lointains, que l’entomologiste Adrian Hoskins s’est amusé à répondre aux questions de Passion-Entomologie. Il doit en effet, à l’heure où nous publions, s’être à nouveau envolé pour l’Amérique centrale (Panama) puis vers le Pérou où il organise des trips spécifiquement dédiés à la prise de vue photographique des papillons (tous les détails sont présentés dans son site : www.learnaboutbutterflies.com) Après des rencontres marquées par les coléos, notre blog est heureux de s’orienter vers les

lépidos et de présenter un professionnel original, branché périples tropicaux mais surtout protection de l’entomofaune, impliqué dans des opérations ayant permis de protéger avec efficacité une faune particulièrement menacée en Grande-Bretagne (Adrian évoque notamment la protection des lépidoptères dans le comté du Hampshire : vous trouverez tous les détails sur le site : www.purple-emperor.co.uk/

  • Quels sont vos centres d’intérêt principaux dans l’étude des papillons ?

Je suis passionné par les papillons depuis mon enfance. Leur beauté, mais aussi la complexité de leur cycle biologique et l’étonnant comportement de certains adultes m’ont toujours fasciné. J’ai commencé tout naturellement à m’intéresser aux espèces britanniques, puis, quelques années durant, ait élargi mon centre d’intérêt aux espèces européennes en général. Désormais, j’ai élargi plus encore le champ de mes investigations et m’occupe de papillons tropicaux, notamment des Satyridae et des Riodinidae. Je suis surtout attiré par leur observation dans la nature, sur le vif, qui permet bien sûr d’apprendre beaucoup sur leurs interactions avec leur environnement.

  • Pourriez-vous nous raconter une ou deux rencontres marquantes avec certains papillons et nous faire partager les émotions qui sont alors les vôtres ?
Une icône de la péninsule malaisienne : Trogonoptera brookiana (ici un mâle) (Source : A. Hoskins)
Une icône de la péninsule malaisienne : Trogonoptera brookiana (ici un mâle) (Source : A. Hoskins)

Ah ! Vous pourrez parcourir le chapitre que je consacre à la question des forêts pluviales sur mon blog : vous y trouverez en détail toutes les émotions que je ressens lorsque je suis immergé dans cet univers. La description de ma rencontre avec le célèbre Rajah Brooke (Trogonoptera brookiana), un incroyable Papilionidae de Malaisie et d’Indonésie, est détaillée dans mon livre… et constitue un souvenir toujours étonnamment vivace.

  • Vous avez été un acteur directement impliqué dans la protection des papillons en Angleterre. Quelles furent plus particulièrement vos activités dans ce domaine ?

J’ai été l’un des membres fondateurs de la délégation régionale du Hampshire de l’association Butterfly Conservation. Je crois que l’une de nos contributions les plus intéressantes à l’oeuvre de protection des papillons anglais fut l’achat de trois terrains dans ce comté de la côte sur de l’Angleterre, en vue du maintien de populations viables d’espèces menacées. Il est évidemment de loin plus important de savoir protéger les biotopes et leur biodiversité globale que de viser sans véritable stratégie des espèces isolées en les décrétant « protégées ».

  • Comment chacun peut-il participer à la protection des papillons ?

Les sociétés occidentales sont hantées par trois fléaux qui sont autant de menaces pour les papillons.

En premier, la volonté de vouloir que tout soit net et entretenu qui a pour conséquence que nos jardins et nos parcs n’hébergent plus de fleurs et, plus généralement, de végétaux locaux.

Paon de jour (Inachis io) : le "Peacock", une vanesse emblématique au Royaume-uni (Source : A. Hoskins)
Paon de jour (Inachis io) : le « Peacock », une vanesse emblématique au Royaume-uni (Source : A. Hoskins)

Deuxième menace : nous sommes obsédés par le besoin de consommer, mais le métal uni:osé pour produire nos voitures comme nos téléphones portables ou nos équipements électroniques sont extraits du sol en anéantissant les forêts pluviales.

Enfin, une mode actuelle, celle de la production de biocarburants, et les besoins des filières de l’alimentation et de la cosmétique a entrainé la destruction quasi-totale de la somptueuse forêt primaire qui couvrait presqu’entièrement la péninsule de Malaisie et de l’Indonésie au profit de l’installation de palmiers à huile qui s’étendent à perte de vue. En Amazonie, de vastes étendues de forêts ont été remplacées par de monstrueuses explorations de soja. L’unique façon de protéger les papillons, tout comme les autres animaux, est de modifier notre approche consumériste de l’existence. Il nous faut repenser tout un système d’être-à-la-vie : remplacer moins souvent nos voitures, moins investir dans l’électronique et les biens aussi luxueux qu’inutiles. Nous saccageons une planète merveilleuse, jadis couverte de vie, au profit d’un monde aseptisé et artificiel constitué de plastique, de métal et de béton.

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