Projet Orion : Expédition documentaire à Okinawa

Projet Orion : Expédition documentaire à Okinawa

Par Benoît GILLES

Alexandre, peux-tu nous présenter ton projet en quelques lignes

Mon projet consiste à partir deux mois à Okinawa pour filmer des arthropodes liés aux milieux aquatiques de cette île composées de jungles, des petites rivières, de plages, de mangroves, autant d’écosystèmes riches en biodiversité.

J’aimerais notamment rencontrer l’araignée Dolomedes orion, une grosse espèce capable de se déplacer sur l’eau, d’y plonger et de pêcher des petits poissons et crustacés (figure 1). Dolomedes orion est la plus imposante de sa famille, les Pisauridae, à l’échelle mondiale. L’idée serait de réaliser un maximum d’images et de vidéos sous différents formats pour concevoir un documentaire d’au moins une demi-heure.

Depuis deux ans et demi, j’anime une chaîne YouTube consacrée aux arthropodes au sens large (et j’y parle d’araignées, peut-être un peu trop souvent : ce projet ambitieux serait pour moi la possibilité de franchir un palier).

Figure 1 : Dolomedes orion dans son milieu naturel (Source : Sasagani_ya)

Par quel cheminement arrive-t-on à avoir l’idée de mettre en place un tel projet ? J’imagine que ce n’est pas du jour au lendemain ou au réveil ! 

J’ai toujours voulu « filmer des bestioles dans la jungle », même avant de faire des vidéos. Depuis huit ans, j’élève et je filme des araignées, vidéos que je poste sur divers forums. Petit à petit, sans même m’en rendre compte, je me suis pris de passion pour le travail autour de l’image. C’est ainsi que l’idée de partir filmer des espèces exotiques s’est développée.

Au début de l’été, alors que je travaillais sur un petit thread twitter consacré à des funfacts sur les araignées, que j’enrichi tranquillement depuis trois ans, j’ai découvert une photo de Dolomedes orion. Ma première réaction a vraiment été de me dire « woah, elle est incroyable celle-là, il faudrait que je la filme ». Finissant mes études en communication scientifique, c’était le moment idéal pour partir.

Quels sont les résultats scientifiques et les retombées médiatiques attendus à la suite de ce voyage ?

En termes de résultats, j’ai des attentes sur deux axes. Le premier, purement scientifique et informatif, serait de documenter des comportements peu ou pas observés sur des espèces ayant une aire de répartition assez restreinte. Dolomedes orion ne se retrouve que sur une poignée d’îles de l’archipel Ryukyu, et les images et les vidéos qu’on retrouve d’elle sont quantitativement (et souvent qualitativement) assez limitées.

Le deuxième axe concerne le public. Étant passionné par les araignées, j’ai le souhait de faire découvrir ces animaux au plus grand nombre, de susciter de l’intérêt et de sensibiliser à la richesse de sa biodiversité. Cela passe par la mise en avant de comportements singuliers, inconnus pour la plupart d’entre nous.

Il s’agira également de mener une démarche scientifique pour proposer des articles de vulgarisation suscitant la curiosité et soulevant le questionnement de ceux qui verront le documentaire.

Concernant les retombées médiatiques, je souhaite que suffisamment de personnes puissent voir mon travail pour ensuite pouvoir le proposer à des festivals par exemple. Je n’ai pas encore trop réfléchi à cela.

Figure 2 : Dolomedes orion se nourrissant d’un Scolopendra alcyona (Source : Takano Akitoshi)

De quoi as-tu besoin en termes de matériels et financiers pour finaliser le projet ? De quelle manièrepeuvent t’aider les lecteurs ? 

Mes besoins sont surtout financiers. En effet, il est difficile d’imaginer gagner de l’argent avec un tel projet. C’est pour cela que je ne peux pas me permettre de trop investir personnellement. Du coup, j’ai lancé une campagne de financement participatif sur Ulule, qui réexpose un petit peu le projet, avec une vidéo explicative : https://fr.ulule.com/projet-orion-expedition-documentaire-a-okinawa/ 

Pour maximiser mes chances, j’ai fixé un premier palier correspondant aux dépenses prévues pour deux mois, sans compter les frais de bouche qui représenteraient environs 800 euros (figure 3). L’objectif est d’atteindre le premier palier et même de le dépasser ! 

Concernant le matériel, pour ne pas trop rajouter de contraintes à la campagne, j’ai préféré prendre tout en charge par moi-même. Par contre, un deuxième palier est prévu qui me permettrait d’investir dans un nouvel objectif me permettant de filmer de plus loin mes sujets et donc de diminuer notamment leur risque de fuite. 

Figure 3 : Besoins financiers pour organiser la mission Orion (Source : A. Gros)

Il demeure une part d’incertitude et d’imprévues quand on mène un tel projet, as-tu des évènements que tu redoutes ou qui te préoccupent ? 

Pour ce qui est des imprévus, je m’attends à ce qu’il y en ait, forcément !

Je vais partir deux mois dans un pays dont je ne maîtrise absolument pas la langue, où je ne suis jamais allé (figure 4). Il y aura forcément quelque chose qui n’ira pas à un moment donné, mais ça fait partie de l’expérience ! C’est aussi pour cela que je souhaite partir aussi longtemps : pour pouvoir prendre le temps d’avoir les images que je veux, même en cas de soucis.

Actuellement, je stresse un petit peu vis-à-vis de la campagne de financement, parce que j’y ai consacré tellement de temps et d’énergie que j’aimerais vraiment que ce projet puisse voir le jour !

Figure 4 : Organisation du planning et des sites explorés durant la mission (Source : A. Gros)

Présentation du projet

Dolomes orion, également connu en anglais sous le nom de « Okinawan fishing spider » en raison de ses habitudes alimentaires, se nourrit de petites proies aquatiques comme des crustacés et des insectes, voire de petits poissons et d’amphibiens, qu’elle capture lors de plongées dans les ruisseaux des montagnes de l’île d’Okinawa (figure 5).

Proche de l’espèce Dolomedes raptor, elle possède une caractéristique singulière : la présence de bandes blanches sur les pattes. Reflétant les UV émis par la lune, il semblerait que ces bandes interviennent dans la capture des proies par un effet de contraste perturbant aux yeux des proies la forme et la présence de l’araignée (Tso et al, 2016). Les images et les observations des comportements de chasse sont plutôt rares.

L’objectif de ce projet est donc de collecter des photographies et des vidéos de l’espèce dans son milieu et de pouvoir observer des comportements inédits comme la construction de la toile, la capture des proies et les comportements copulatoires.

Les forêts de l’île d’Okinawa abritent une faune diversifiée et endémique peu étudiée. Il s’agira au cours de ce projet d’observer également dans la partie nord de l’île une espèce géante de scolopendre aquatique récemment décrite (Tsukamoto et al, 2021), Scolopendra alcyona. Cette espèce a la capacité de nager en ondulant à la surface de l’eau comme le font certains serpents, un comportement unique chez les Myriapodes (figure 5).

Figure 5 : Exemple de milieu aquatique rencontré dans les forêts à Okinawa (à gauche) – Scolopendra alcyona (à droite) (Source : Takano Akitoshi)

En plus des forêts, le littoral apporte son lot d’espèces singulières. Par exemple, l’araignée Desis japonica vit dans la zone intertidale (zone de balancement des marées). Durant la marée haute, elle se protège de la submersion en s’isolant dans une loge de soies hermétiques tel un scaphandre (figure 6). Lors de la marée basse, elle chasse de petits crustacés (crevettes ou jeunes crabes par exemple) dont elle transperce la carapace à l’aide de chélicères hypertrophiées (crochets à venin).  

Figure 6 : Desis japonica à l’entrée de sa loge (Source : Takeshi Sasaki)

L’entomofaune n’est pas en reste dans ce projet bien évidemment. En effet, si l’île regorge d’araignées et de Myriapodes à la biologie et à l’écologie aussi singulières, il est facile d’imaginer rencontrer des espèces d’insectes tout autant surprenantes !  


Pour aider Alexandre à financer son projet, suivre ce lien : Contribuer   


Auteur
Alexandre Gros

Alexandre est étudiant en deuxième année de Master de communication scientifique. Passionné par les arthropodes et plus particulièrement les araignées, il a lancé en 2009 sa chaîne YouTube consacrée à ces animaux.

Il souhaite mettre à profit une période de transition entre ces études et le monde du travail pour organiser ce projet et cette mission pour découvrir un écosystème riche d’une biodiversité singulière sur l’île d’Okinawa et d’en faire un documentaire. 


Bibliographie
  • Notes on the feeding habits of the Okinawan fishing spider, Dolomedes orion (Araneae: Pisauridae), in the southwestern islands of Japan (Baba et al, 2019) (lien)
  • Two new species and two newly recorded species of the spider family Pisauridae (Arachnida: Araneae) from Japan (Tanikawa, 2003) (Lin et al, 2015) (lien)
  • A dual function of white coloration in a nocturnal spider Dolomedes raptor (Araneae: Pisauridae) (Lin et al, 2015) (lien)
  • Prey Luring Coloration of A Nocturnal Semi-Aquatic Predator (Tso et al, 2016) (lien)
  • A new amphibious species of the genus Scolopendra Linnaeus, 1758 (Scolopendromorpha, Scolopendridae) from the Ryukyu Archipelago and Taiwan (Tsukamoto et al, 2021) (lien)
  • Larval Release and Associated Tree-Climbing Behavior of the Land Hermit Crab Coenobita violascens Heller, 1862 (Anomura: Coenobitidae) (Doi et al, 2016) (lien)
  • Respiration rates for the intertidal spider Desis marina (Hector) (Mcqueen et al, 2012) (lien)

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