Par Benoît GILLES
Les pucerons peuvent occasionner des dégâts aux plantes herbacées, arbres et arbustes : ils comptent parmi les principaux insectes ravageurs des cultures en milieu tempéré. Les pertes de rendements dues à ces Hémiptères résultent des prélèvements de sève dont ils se nourrissent et des maladies virales qu’ils transmettent à de nombreuses plantes. Ils représentent donc une source de préoccupation aussi bien pour les professionnels de l’agriculture que pour les jardiniers amateurs.
Les pucerons constituent également des modèles d’étude pour la recherche scientifique en raison de caractéristiques biologiques telles que leur mode de reproduction par parthénogenèse (illustration 1), leur mode d’alimentation spécialisé et leur extraordinaire plasticité phénotypique (formes ailées ou aptères, formes sexuées ou clonales).
Ainsi, la communauté des spécialistes travaillant sur les pucerons et/ou concernés par leurs impacts sur les plantes cultivées, nombreuse aux plans national et international, justifie un besoin de diffuser les connaissances acquises sur ces insectes à différents publics : chercheurs, professeurs et étudiants, organismes impliqués dans le développement de la lutte intégrée ou le contrôle biologique, agriculteurs et producteurs horticoles. Encyclop’Aphid tente de répondre à ce besoin.
Encyclop’Aphid est un site web développé en français et en anglais par l’équipe « Ecologie et Génétique des Insectes » de l’Institut de Génétique, Environnement et Protection des plantes (IGEPP) de l’INRA.
Le site est organisé autour de cinq sections : « Qu’est-ce qu’un puceron », « Pucerons et milieu », Pucerons et agriculture », « Pucerons et recherche » et « Espèces » (illustration 2).
« Qu’est-ce qu’un puceron »
On compte 4 700 espèces de pucerons dans le monde. Au sein des Hémiptères, ils constituent l’infraordre des Aphidomorpha, qui comprend lui-même trois groupes rangés au niveau de la superfamille ou de la famille selon les classifications.
Il s’agit des Phylloxeridae, des Aldegidae et des Aphididae, le groupe le plus diversifié. Encyclop’aphid présente les caractéristiques morphologiques de l’ensemble des familles et sous-familles de pucerons ainsi que la liste des 400 principales espèces européennes.
La morphologie particulière des pucerons est détaillée de façon à illustrer chacun des critères qui sont utilisés pour leur identification. Cette section présente les caractéristiques biologiques des pucerons comme les modes de reproduction qui combinent la reproduction sexuée et la parthénogenèse, la viviparité et l’oviparité, leur polyphénisme de dispersion (coexistence de morphes ailés et aptères) (illustration 3) et leur mode d’alimentation de type piqueur-suceur.
« Pucerons et milieu »
Capables d’explosion démographique, les pucerons, , présentent une ressource alimentaire importante pour de nombreux prédateurs ou antagonistes, dont les principaux sont d’autres insectes. Ils sont également l’objet d’interactions avec des fourmis mutualistes et des diptères opportunistes qui se nourrissent de leur miellat.
Cette section aborde les interactions entre les pucerons et les autres organismes en consacrant un grand développement aux nombreux prédateurs et aux parasitoïdes. Ces derniers sont principalement des hyménoptères Aphelinidae et Braconidae qui assurent leur cycle de développement, de la ponte des œufs à la mue imaginale, à l’intérieur des pucerons en entraînant la mort (photo 1).
« Pucerons et agriculture »
Cette section détaille l’impact des pucerons sur les principales familles de plantes cultivées. Les dégâts directs (prélèvement de sève) et indirects (transmission de maladies à virus – lire cet article) sont décrits pour chacune des espèces végétales composant les différentes familles. Elle propose également des clés d’identification simplifiée des principales espèces de pucerons présentes sur chacune des familles botaniques. Ces clés se présentent sous deux formes : clé d’identification visuelle et clé classique à choix multiple (illustration 4).
« Pucerons et recherche »
Les pucerons, dont les premières mentions auraient été faites par Pline l’Ancien, ont fait l’objet d’études scientifiques dès le 17ème siècle avec la description de leur morphologie, la découverte de leur viviparité, de leur impact agronomique et de leur mode d’alimentation.
Ils permirent au naturaliste suisse Charles Bonnet (1720-1793) de mettre en évidence la parthénogenèse dans un ouvrage paru en 1745 :
“Ce fut le 20 mai, sur les 5 heures du soir, que mon Puceron fut mis, dès sa naissance, dans la solitude que je viens de décrire. J’eus soin dès lors de tenir un journal exact de sa vie. Après de très longues journées passées à l’observer, à la loupe, voilà qu’il advient qu’Il étoit devenu un Puceron parfait. Dès le premier de juin, environ les sept heures du soir, je vis avec un grand contentement qu’il étoit accouché ; et dès lors je crus devoir lui donner le nom de Puceronne”.
La communauté francophone des chercheurs en aphidologie s’est regroupée au sein du réseau BAPOA (Biologie Adaptative des Pucerons et Organismes Associés). Encyclop’aphid est une vitrine pour ce réseau. Les spécialistes sont invités à publier de cours articles de synthèse sur leurs thèmes de recherche. Changements climatiques, génomique, interactions plantes-pucerons, immunité et symbiose comptent parmi les sujets abordés.
« Espèces »
Cette section contient les fiches de présentation d’environ 130 espèces de pucerons et 70 de leurs ennemis naturels, autres insectes prédateurs ou parasitoïdes. Outre des photos, elles présentent les caractéristiques morphologiques, biologie et écologique, pour la plupart des espèces, une fiche d’identification avec les critères illustrés (illustration 5).
Cette section offre également un catalogue important de photos et une série de vidéos illustrant la biologie des pucerons et leurs interactions avec des prédateurs ou des parasitoïdes.
Libres d’accès, toutes les photos peuvent être téléchargées pour illustrer des diaporamas ou des articles.
Encyclop’Aphid est appelé à se développer et s’enrichira bientôt de nouveaux articles, de fiches de présentations d’espèces voire sans doute de rubriques complémentaires.
Ouvrages sur cette thématique
- Interaction Pucerons-Bactéries-plantes dans la Lutte Chimio Écologique (Jean-Claude Kazadi Mwepu, Odette-Aimée Witanene Sifa & Alain Museu Konga – Editions Académiques – 100 pages – 1 juin 2018)
- Bioécologie des pucerons des agrumes et de leurs ennemis naturels (Karima Benoufella-Kitous & Salaheddine Doumandji – Editions Univ. Européenne – 144 pages – 16 mars 2017)
- Hémiptères de France. de Belgique, du Luxembourg et de Suisse (Romain Garrouste – Editions Delachaux – 320 pages – 27 août 2015)
- Interactions insectes-plantes (Frédéric Marion-Poll & Denis Thiéry – Editions Quae – 750 pages – 5 septembre 2013)